JOURNAL DE BORD J1
Bonjour à tous,
Nouvelle nuit en mer, le capitaine de Comalvi reprend sa plume. Petite différence avec les précédentes, suite à plusieurs demandes, le journal de bord sera publié quotidiennement sur le site grâce a la magie du satellite et a la gentillesse de Maylis qui se chargera de mettre en forme le texte brut pour l’intégrer au site. Merci à elle !
Nous avons donc quitté le nouveau monde ce matin à 10h heure locale soit 16h h française. Nouveau monde Bahamian qui comme toutes les autres îles des Antilles, revendique fièrement qu’il existe « Since 1492 ». Ce « Since 1492 » que nous avons vu sur nombre de casquettes t-shirt et autres mugs a Nassau, capitale des Bahamas, m’inspire 2 choses :
– Christophe Colomb a découvert beaucoup d’endroits en même temps et même à posé le pied a beaucoup d’endroit pour la 1ère fois
– Le souvenir n’est donc pas si traumatisant pour qu’il soit à ce point revendiqué, célébré, marcketé…
Les Bahamas auront été une étape de plusieurs découvertes, les requins en nombre, les raies en nombre, un territoire finalement assez désert contrairement à l’image qu’on en avait. Le problème c’est que nous n’avons pas pleinement profité de ces semaines qui auraient dû être du farniente complet. Depuis 3 semaines nous hante la transat retour. On fait on fait pas, en famille ou en solitaire, équipier pas équipier, bref une prise de tête riche en rebondissements quasi quotidiens. Il faut dire que cette transat retour est un peu la transat de tous les dangers. À l’aller tout est simple : on va tranquillement descendre entre les Canaries et le Cap Vert pour attraper les alizées, vents constants et au portant qui nous emmènent tranquillement vers les Antilles. C’est d’ailleurs la route de Christophe Colomb. La transat retour c’est un peu la même chose mais ça n’a rien a voir. La logique voudrait qu’on récupère le vent des alizés qui continue à faire le tour de l’anticyclone des Açores, mais se mêlent aussi dans la danse les fameuses dépressions de l’atlantique nord. Vous savez les fameuse tempêtes d’hiver qui balaient la France avec des grosses vagues et des vents qui cassent les arbres ? Ne cherchez plus, ce sont ces fameuses dépressions. Elles partent des USA pour atterrir en France après avoir balayé l’atlantique nord. Mais alors me direz vous, pourquoi ne pas partir après ces dépressions hivernales ? Tout simplement parce qu’a partir de fin Juin arrivent les non moins fameux cyclones. Ces cyclones font que les assureurs ne couvrent plus les bateaux à partir du 1er Juillet sur zone. Pour le retour durant 3 grosses semaines en partant très à l’ouest comme nous, il faut guetter la première fenêtre météo qui permet de partir. Nous sommes donc parti ce matin 10h après une semaine bien remplie de réparations en tout genre, carrainage des coques qui sont comme 1 sous neuf (je pense qu’on gagne 0,8 nds/ heure ce qui fait 3 jours de nav en moins sur la traversée), moteurs révisés, vidanges faites, inspection du mat du pied a la tête etc etc. Plus l’avitaillement, en eau pour les enfants et Maji, en alcool pour moi, et accessoirement quelques salades et autres crudités pour agrémenter le quotidien.
Il est ici minuit, le ciel est beau, mais c’est le seul charme du moment ! Nous subissons une houle 3/4 avant de 2m qui se croise avec la mer du vent qui est a 30°, nous avons 20-25 nds de vent apparent sur notre 35° tribord amure. Le bateau couine, grince, tape et se demande tout comme moi pourquoi s’infliger autant de souffrances alors que l’avion existe !!! Il faut dire que COMALVI m’étonne toujours autant. 14 tonnes qui se meuvent avec autant de vitesse m’épatent sur toutes les nav et, malgré le bruit peu sympathique, se comporte vraiment bien ! Pensez que c’est un catamaran qui normalement remonte très mal le vent. Nous sommes pourtant entre 30° et 40° du vent et marchons a quasi 7 nds de moyenne avec 1 ris dans la GV et le génois a moitié enroulé.
Normalement les conditions sont moins pénibles à partir de demain midi, j’espere qu’entre temps que j’aurais réussi a dormir un peu.
On porte dans nos prières Arnaud et Aimée et offrons tous ces moments un peu difficiles pour eux, nous pouvons pour cela invoquer Soeur Marie-Paule qui nous a quittés hier pour rejoindre le Père.
Fin de ce journal de bords N1 qui est aussi décousu que mon estomac.
Merci enfin pour les nombreux messages, surtout n’arrêtez pas !
On vous aime
Les COMALVI
JOURNAL DE BORD J2
Il est 23H30 position de COMALVI 29°51N 075°21W
Bonsoir,
Aujourd’hui journée beaucoup plus agréable même si les 24 dernières heures n’ont pas été de tout repos. La nuit dernière, à 3h, le ris 1 a lâché, coupé net. C’est balot puisque justement on avait pris le ris 1 sur la GV. Il ne nous reste que deux options : être sur-toilé et risquer une avarie plus grave en envoyant toute la GV ou bien prendre 1 deuxième ris ce qui nous sous toilerait et nous ferait perdre en vitesse. Mais tu connais bibi, prudence est mère de toutes vertus, on prend le 2ème ris. Finalement le vent commence à tourner ESE nous permettant de gagner quelques degrés tribord pour prendre une route plus directe direction les Bermudes. Il faut dire qu’il y a un peu course contre la météo puisque depuis 10 jours une dépression est prévue au nord des Bermudes et le vent va commencer à forcir d’ici dimanche soir. Il faudrait donc que nous soyons arrivés a ce moment là. Vu notre cap ça va être dur mais bon a chaque jour suffit sa peine.
Aujourd’hui la mer s’est beaucoup calmée la houle ne fait plus que 1,5m et est bien de travers. Ce n’est guère plus confortable mais moins impressionnant tout de même que de l’avoir dans le nez. Nous avons sorti une belle dorade coriphène de 8 kgs et 1,1m cet après midi. Les filles nous ont donc préparé les traditionnels sushi pour ce soir, j’ai découpé 6 belles darnes, levé 2 gros filets et réservé les restes pour une brandade à l’ail qui est je crois notre plus belle découverte culinaire de l’année. Nous avons à nouveau enroulé le génois à demi et pris le 2eme ris. Nous marchons tout de même à 7nds, ce qui est plus qu’honnête à nouveau. J’espère que je vais trouver le sommeil à la fin de mon quart pour ne pas trop puiser dans les réserves car nous ne sommes qu’au tout début de la longue route… IL reste 2300 mn pour arriver, soit près de 4250 km avec nos 11 km/h de moyenne… ça va le faire….
Il fait nuit noire sur COMALVI puisque la lune est décroissante et seul un ongle est visible en début de nuit. Une nouvelle étoile brille depuis quelques minutes dans le ciel. Gaspard est né ce soir et est reparti auprès du Père 1h plus tard. Un Saint est né ! Bénis soient ses parents et ses frères.
Orgueil du jour naissant désirant l’impossible possible.
La lune se couche, avec elle nos chimères.
Seules brillent les étoiles, la paix de nos morts.
Voute céleste ou l’infini possible et l’éternité évidente.
Bonne nuit a tous.
JOURNAL DE BORD J3
10/05 23h59 heure locale position 31 34 N 72 55 W.
170 mn en 24h soit 7 nds de moyenne. Pas si mal. Enfin. Et on commence enfin a faire du cap. J’ai changé de stratégie, le près serré étant trop lent, on s’est mis a 55° du vent ce qui permet de faire de la vitesse tout en serrant le cap au max. Aujourd’hui nous étions plus proche de New-York que des Bermudes. Sentiment étrange que de se trouver au milieu de nulle part. Les conditions sont de plus en plus difficiles et devraient forcir jusqu’aux Bermudes. La dépression que nous voulions éviter arrive avec un peu d’avance et nous sentirons ses effets a partir de dimanche midi. Et dire que cette nav devait être une répétition générale avant le BERMUDES ACORES ! Cueillis a froid les loulous !
Nous passons la journée cloîtré dans COMALVI, je ne sors que pour régler les voiles et vérifier que tvb. Le vent qui a soufflé nord n’était pas bien chaud. Heureusement, Ludo et Delphine, qui sont resté à MIAMI jouent les routeurs/coach mental etc. Loulou leur fille envoi des devinettes et charades aux enfants, Del des petites pensées motivantes et Ludo un peu de tout ça plus son routage autrement plus prolixe que l’officiel. Merci à vous les amis !
Les SEA YOU, bateau ami avec qui nous étions allé au Venezuela et en Jamaïque, et qui sont 40 mn derrière, permettent aussi d’échanger. Eux sont des marins, des vrais ! Ils ont même le petit drapeau américain en noir et blanc que les bretons appellent Breiz machin chose. Les bretons c’est un peu comme les algériens : Si l’arrière-grand mère est bretonne mais que tout le reste de la famille vient des Vosges, c’est pas grave, la famille est bretonne. D’ailleurs dans tous les événements publiques, on trouve en général des drapeaux algériens et… bretons ! Bref, nos amis SEA YOU qui sont eux des vrais marins et qui voyagent en monocoque (la preuve que se sont des marins), trouvent eux aussi les conditions merdiques ! Là ! C’est dire ! À moins que Vincent, leur capitaine, mon alter ego quoi, face preuve de beaucoup d’empathie…
Néanmoins les enfants ne sont curieusement pas touchés ni par le mal de mer, alors que j’ai la glotte qui barbotte, et nous avons pu enchainer les activités de nav. Parties de tarots endiablées, danse grâce à MAGIC SYSTEM et MANAU (Antoine dédicace !) et pâte à modeler. La matinée à aussi été occupée à la préparation de la brandade de dorade. C’est assez drôle car quand le bateau bouge à ce point, on a l’impression de se mouvoir comme des cosmonautes. Chaque geste est lent, on se prend à marcher à 4 pattes, à s’assoir en posant le ventre avant de ramener son derrière sur l’assise…. Au milieu de tout ça, une ou deux gamelles, quelques verres tombés etc. Bref, l’appel du large quoi !
La recette de la brandade est très simple : vous prenez toutes les parties non nobles du poisson (tête queue colonne etc) que vous mettez dans une cocotte minute avec un gros oignon et de l’aïl a foison + un bouillon cube. Vous faite chauffer siffler décompresser puis vous émiettez le poisson dans un petit saladier pour ne garder que la chair. Vous mettez des patates dans la cocotte avec le même jus de cuisson et un autre gros oignons. Belote rebelote avec la cocotte. Dans une casserole vous mettez de l’ail en gousse du thym et de l’huile d’olive. Une fois que les gousses ont un peu roussi, vous mélangez le poisson les pommes de terre et l’huile aux herbes et a l’ail. Vous passez le tout au presse purée et voila.
Le moral du capitaine n’est pas trop mauvais car normalement, avec la vitesse qui est la notre depuis 12h (8-9 nds de moyenne) on arrivera lundi matin.
Nous attendons impatiemment l’annonce de la naissance de BB VERNY Orianne et Thibault ! On a hâte !
Merci pour tous vos messages qui nous font chaud au coeur on vous embrasse et on vous aime,
Les COMALVI
JOURNAL DE BORD J4
00h04 heure locale 32°17N 069°33W 180 mn sur 24h soit 7,5 nds de moyenne.
Aujourd’hui fut une bonne journée de nav. Une mer calme, un vent réel à 12-15 nds à 90° tribord amure et une moyenne aux alentours de 8 nds sur 24h. Matinée cuisine, après midi karaoké. Du soleil dans le ciel par intermittence, ce qui ne nous a pas permis de recharger l’intégralité du parc batteries, je pense que je serais obligé de faire 1 heure de moteur au petit matin pour compléter tout ça. Il faut dire que le pilote automatique mange pas mal, du genre 5 A/H. Ramené sur 24 h puisqu’il tourne 24h/24 ça fait 120 ampères. Si on ajoute le congélateur et divers électroniques Devices branchées sur le 220v ça fait beaucoup !
On ne va pas se plaindre, ça fabriquera un peu d’eau chaude permettant de prendre une petite douche ! Il faut dire que les températures chutent de jour en jour. Ça y est toutes les couettes sont sorties. Ça peut sembler bête mais depuis le mois de novembre dernier et notre départ de Métropole, nous n’avions plus goutté à l’utilité de ces dernières !
Nous ne sommes plus qu’a 220 mn des Bermudes. Nous savons que nous avons perdu la course contre le vent et que demain à la même heure nous aurons du force 7. Enfin quand je dis nous savons, je devrais dire je sais. C’est incroyable de constater a quel point une mauvaise météo influence la nervosité du capitaine ! En tout cas sur COMALVI. L’équation est la suivante : mauvaise météo = attention accrue + inconfort + risque d’avarie renforcé = fatigue généralisée ! La puissance de l’intellect permet alors de générer ce genre de question hautement métaphysique : qu’est ce que je fous là ? Ça semble rien mais franchement, entre nous, quand on peut faire en avion en quelques heures ce qu’on fait en plusieurs semaines on peut se poser la question. Vincent, le skipper des SEA YOU et breton d’origine m’a dit la veille du départ « tu vas voir, a partir du 4eme jour tu vas tout relâcher et tu vas prendre plaisir à naviguer ». Et bah ya pas a dire, le 4eme jour c’est comme le 3eme, c’est juste un jour de plus a cocher, et un jour de moins qui me sépare de l’accomplissement de mon EVEREST à moi ! Oncle Patrick m’avait, lui aussi, avant le départ, expliqué avec force de conviction que « le bateau, c’est bien gentil, mais c’est quand même pas la montagne… » Ouai c’est vrai, la montagne c’est quand même vachement plus court et puis quand tu fatigues tu fais une pause… Bref… le force 7 de demain, j’ai hâte ! Mais alors pourquoi ? Et ben pour en baver justement. C’est le but encore et toujours. Tuer le viel homme ! Dieu qu’il a la peau dure. Et Dieu que ça fait peur de voir comme il revient vite a chaque fois. Libération des contingences par la souffrance volontaire. Tout un programme. En tout cas, à court terme ça marche. Quelle est la seule voie de succès dans ces moments là ? La puissance de l’instant présent puisque c’est la seule temporalité que je maitrise et la nécessité de puiser dans les ressources cachées pour rester vigilant et maitriser et les éléments, et COMALVI jusqu’à l’arrivée. Genre de moments ou la Capitiane en second essaie de trouver dans le fond de mes yeux un petit peu d’angoisse, ou au moins de l’inquiétude ! Mais mon boulot, à la ville comme au bateau, c’est de faire semblant que je maitrise ! Alors on se mobilise et on réalise un truc formidable et immuable, dans la vie comme dans la mer (et même comme à la montagne mais dans une moindre mesure oncle Patrick ! ) : après la pluie vient le beau temps ! Giraudoux dirait que « ça s’appelle l’aurore »…
Hier échanges riches et rassurants avec Arnaud, hâte de le retrouver. Toujours pas de nouvelle de Thibault et Orianne…vous avez raison d’attendre ;).
Normalement demain à la même heure ça sera dur dur mais on sera a quelques heures de l’arrivée à la première étape. Merci de prier pour que le moral de l’équipage ne flanche pas. Nous avons fait un deal avec les enfants et surtout avec Alix : on fait le point une fois arrivés aux Bermudes. J’éspère que les conditions ne lui enlèveront pas le minuscule grain de motivation qu’elle a.
Merci encore pour tous vos messages. ( Si quelqu’un peut penser a m’envoyer le résultat de OL OM, parce que Hugues m’a dit que SAINTÉ avait perdu a MONTPELLIER, si le WE pouvait se finir en beauté…)
Je vous partage un poème :
L’HOMME ET LA MER
Homme libre, toujours tu chériras la mer !
La mer est ton miroir ; tu contemples ton âme
Dans le déroulement infini de sa lame,
Et ton esprit n’est pas un gouffre moins amer.
Tu te plais à plonger au sein de ton image ;
Tu l’embrasses des yeux et des bras, et ton cœur
Se distrait quelquefois de sa propre rumeur
Au bruit de cette plainte indomptable et sauvage.
Vous êtes tous les deux ténébreux et discrets :
Homme, nul n’a sondé le fond de tes abîmes ;
Ô mer, nul ne connaît tes richesses intimes,
Tant vous êtes jaloux de garder vos secrets !
Et cependant voilà des siècles innombrables
Que vous vous combattez sans pitié ni remord,
Tellement vous aimez le carnage et la mort,
Ô lutteurs éternels, ô frères implacables ! »
Extrait de
Les Fleurs du mal
Charles Baudelaire
On vous embrasse et on vous aime.
Les COMALVI
JOURNAL DE BORD J5
00h00 heure bahamienne 32°11N 65°57W 193 mn sur les dernières 24h soit 8,04 nds de moyenne
On s’est quitté hier soir entre l’excitation de l’arrivée future et l’inquiétude de la dépression qui s’annonçait. Finalement, la dép passe plus nord et grâce à notre option de route sud nous lui échappons complètement. Nous avons donc passé une journée complètement idyllique. Pas de mer ou quasi, pas de nuage ou quasi et un vent entre 15 et 20 nds a 90° tribord amure. Résultat COMALVI vole sur l’eau depuis plusieurs heures oscillant entre 8 et 11 nds. Le paradis sur mer ! Une grosse pensée pour les SEA YOU qui eux ont suivi une route beaucoup plus nord et qui ont de grosses conditions (houle de 3-4 m et le fameux force 7 que je redoutait et les gros nuages qui vont avec). On espère qu’ils vont vite en sortir.
Pour nous, arrivée prévue au petit matin. Le bateau copain PANTAÏ que nous avions rencontré à SANTIAGO de CUBA avec papily est déjà sur place depuis quelques jours. Ils nous ont donc donné par mail toutes les indications précieuses pour l’arrivée. Et apparemment, même si nous ne passons que quelques heures dans ce micro état, il nous faudra passer par toutes les formalités douanières. Joie !
Cette dernière journée de nav nous aura permis de complètement conquérir notre petite Alix et, même si la négociation n’est pas tout a fait terminée, je pense que nous repartirons à 7 dès mercredi des Bermudes. 7 car Vianney doit atterrir à 14h à SAINT GEORGES en provenance de QUITO. Vianney est le super équipier qui avait fait la transat aller, sans nous ! Jeune bébé ingénieur en année de césure, il avait décidé d’aller au panama aux JMJ en bateau stop. Et il y est arrivé ! Un garçon formidable que tout le bateau à hâte de retrouver. Je tiens à dire ici pour sa maman qui nous lit, que nous avons un routeur professionnel à terre dont le cahier des charges est de nous rendre la navigation la plus safe et quiet tranquille et que je ne ferais pas prendre le moindre risque à la prunelle de mes yeux. Chère Madame, je ne vous connais pas mais vous avez un fils en or !
Nous avons mis le champagne au frais puisque nous avions acheté 2 bouteilles à NASSAU : 1 pour les Bermudes et 1 pour les ACORES. Les BERMUDES c’est dans 6h donc 1èire bouteille de champagne qui ne sera pas volée.
Nous allons enfin découvrir ce petit bout de terre responsable du traumatisme hivernal de tellement de petits garçons comme moi : Maman pourquoi un BERMUDA en hiver ? Nous remontrons donc aux origines de cette coutume absurde et je vous promet une analyse anthropologique de premier plan pour le prochain journal de bord !
Un grand merci a Bob pour le résultat OM-OL. Ce soir danse les sardines et pleurent la vertmine…
Les 2 prochaines nuits se feront au mouillage. Y’en a bien besoin ! Plus que jamais on est sur la route retour ! D’ailleurs, pour la première fois depuis le mois de Novembre, nous avons rajouté une heure à nos portables aujourd’hui. Il faut dire que le soleil se levant à 04h45, il fallait faire quelque chose.
Encore merci à Ludo et Delphine pour leur coaching de chaque instants et merci pour tous pour vos messages qui vraiment nous font beaucoup de bien.
PF et Frantz on espère que votre stage aux glénans vous a donné envie de répondre à l’appel de la mer ?
On vous embrasse et on vous aime,
Les COMALVI
JOURNAL DE BORD J6
07h00 heures des Bermudes 33°52N 62°86W 120 mn depuis notre départ des Bermudes.
Ça y est, nous sommes de nouveau en mer. L’étape des Bermudes aura été de courte durée. Arrivés lundi 11h au port, on a levé l’ancre mercredi 11h. Il faut dire que Maji voulait battre le fer pendant qu’il était chaud. Les Bermudes sont un petit coin de paradis perdu au beau milieu de l’atlantique. Un climat très doux toute l’année, une belle végétation qui ressemble un peu au Pays-Basque, une architecture coloniale anglaise de belle facture et remarquablement bien conservée et entretenue, une propreté, une organisation et une gentillesse toute anglaise. (Oui on peut dire du bien des anglais quand on est marins mais ça ne peut pas durer trop longtemps !). Nous avions plusieurs choses à faire pendant cette escale, notamment, récupérer Vianney qui arrivait de Quito, changer le ris 1 qui avait pété pendant la première partie, raccourcir de 50 cm notre drisse de GV dont la gaine avait raguée sur la tête de mat et divers petits entretiens courants. Tout s’est bien passé et la reprise de la drisse de GV m’a permis d’inspecter le mat de bas en haut ce qui permet de supprimer un peu d’aléas. Nous sommes partis en même temps que la transat de l’ARC qui fait BERMUDES AÇORES. Nous sommes donc parti avec les PANTAÏ du club nautique de TOULON, et une vingtaine d’autres voiliers. La pétole étant tout le vent que nous avons trouvé en sortant du port, nous avons pu discerner ceux qui étaient parti avec des milliers de litres de fioul et qui mettaient les moteurs a 3000 T/min en faisant du 7,5 nds et ceux qui étaient plutôt juste et qui se contentaient d’un 3,5 nds. Nous nous sommes fixés au milieu avec 5,5 nds et 1800 T/Min au tableau, plutôt confiant dans les capacité de COMALVI pour grater tous ces prétentieux qui nous rejouaient le lièvre et la tortue… Il faut dire qu’il n’y a quasiment aucun français dans ces courses croisières de plaisancier. De l’avis de radio ponton depuis notre départ de France, les Français ne s’inscrivent pas parce que :
Les frais d’inscriptions sont élevés
L’organisation demande tous les équipements de sécurité que les voiliers français n’embarquent pas toujours
Le français en général et le marin français en particulier vomit toute forme de règlement et d’organisation
Nous avons donc, au moment du départ, longtemps hésité à aller venger nos ainés tombés à Mers El Kebir en se mettant devant la ligne de départ mais nous avons finalement décrété qu’une arrivée en tête de cette flottille avec le tricolore flottant bien haut serrait une vengeance suffisante.
Le problème c’est que le vent n’est toujours pas là. Notre vitesse moyenne n’est pas reluisante et nous voyons nos chances de faire une arrivée commune avec SEA YOU s’évanouir d’heure en heure.
Nous sommes néanmoins dans des conditions idylliques pour cette partie de l’atlantique nord, pas de mer ou quasi (1,7 m de travers) et du soleil ! Les couettes et les pulls sont sortis mais nous ne sommes pas encore des glaçons.
Ce soir, profitant de cette météo clémente, nous ferons un journal de bord sous forme d’interview de tous les membres de l’équipage, pour vous donner le ressenti de chacun.
Nous tablons sur une arrivée à HORTA dans 11 j. Grand-père et Grand-mère ont confirmés leur arrivée le 1er Juin à Horta. Ça nous laissera 2 jours avant leur arrivée pour….. dormir et vider tous les fûts du PETER BAR.
Des gros bisous à Amaury dont j’ai la responsabilité d’être le parrain et qui a pointé le bout de son nez mardi, toujours pleins de prières pour Arnaud et Aimée et pour vous tous !
Merci infiniment pour le flot de message que nous avons eut aux Bermudes mais, nous ne pouvons pas lire les commentaires laissés sur le site avant d’avoir internet. Donc si vous voulez nous faire un petit mail, je vous redonne notre adresse qui se synchronise par satellite : gverny@mb-composite.fr et le numéro : +881652420998
On vous embrasse,
Les COMALVI
JOURNAL DE BORD J7
10H45 UTC 34°21N 60°72W 100 mn sur 24h
Et voila une journée mitigée ; le calme de la mer et le soleil qui brille n’arrivent pas tout à fait a masquer le bruit sourd et lancinant des moteurs qui tournent en permanence. Nous dirons que la bonne nouvelle c’est un jour de plus depuis le départ et un jour de moins qui nous sépare de l’arrivée. J’avais annoncé un journal de bord collectif mais nous ne l’avons pas fait hier soir et au petit matin tout le monde dort.
J’ai pu couper les moteurs et envoyer le geneaker, le vent ayant forci en fin de nuit, nous avons un généreux 20 nds à 140° bâbord amure en réel qui se transforme en 15 nds apparent a 90°. La limite d’utilisation du geneaker mais je ne m’en inquiète pas trop puisque nous avions, lors de notre arrivé à CURAÇAO, essuyé des rafales à 30 nds sans qu’il en souffre trop. Ces conditions étant plutôt exceptionnelles au regard du dernier GRIB, je parie plutôt pour un mollissement du vent qui nous permettra de faire du 6 nds de moyenne. Normalement nous sommes sortis des zones sans vent et nous devrions plus que connaitre du 15-20 nds ponctué de coup de vent assez forts. En prenant un GRIB à 8 jrs hier, je vois 2 systèmes pas sympa sur notre chemin jusqu’a l’arrivée. On espère qu’ils ne seront pas trop méchants.
Sinon, hier réparation du frigo qui ne tournait plus. Une sur pression au niveau du circuit de refroidissement eau de mer, il a fallu aussi aller changer la manille de la poulie de drisse du geneak, ce qui voulait dire monter quasi en tête de mat et dans une houle de 2m, nous nous sommes fait quelques frayeurs.
Les enfants ont fait preuve de beaucoup d’imagination pour occuper leurs parents qui étaient trop amorphes. Ils ont donc improvisé un théâtre pendant la soirée où se multipliaient les satyres de scènes de vie passées à bord. Drôle et émouvant de pouvoir ainsi appréhender leur manière de vivre les choses. Moins drôle quand papa se fait singer en tyran colérique… il reste des progrès à faire manifestement !
Je vous laisse, étant obligé de taper ces quelques lignes avec Coco sur les genoux.
On vous aime,
JOURNAL DE BORD J8 – Journal de bord des enfants :
22H36 UTC postion 35.10 N 56.88 W
Comme promis, aujourd’hui journal de bord collectif :
Victoire :
Tes impressions sur la transat :
Je pensais que ça allait beaucoup plus bouger et je suis contente de ne pas avoir le mal de mer.
Tes souhaits pour la suite :
J’aimerais voir des baleines, des dauphins.
Ton meilleur moment pour l’instant :
Le moment où nous avons vu les dauphins, la pêche de la daurade coriphène, le quart ou Max et Alix se sont endormis sur moi.
Alix :
Tes impressions sur la transat :
Je trouve qu’on s’amuse beaucoup et j’ai moins le mal de mer que ce que je pensais. J’ai bien fait de la faire! Les quarts sont trop biens, les nuits se passent bien.
Tes souhaits pour la suite :
J’aimerais beaucoup voir des animaux, voir des baleines et des dauphins et que l’on pêche plein de poissons.
Ton meilleur moment pour l’instant :
Le quart que j’ai fais avec Vic parce que la nuit c’est trop beau, et qu’on mange des pâtes lyophilisées qui me donnent du courage.
Maxime :
Tes impressions sur la transat :
Je pensais que c’était beaucoup moins long. Pour l’instant il n’y a pas beaucoup de dauphins, je pensais voir des baleines et beaucoup plus de poissons.
Tes souhaits pour la suite :
Voir d’autre dauphins et surtout des baleines. J’aimerais beaucoup pêcher des poissons mais des poissons qu’on remonte (ndlr la dernière prise a cassé l’hameçon net !!!). J’aimerais beaucoup qu’on arrive plus vite que prévu et qu’on arrive 1er de la transat de l’ARC même si on n’a pas payé pour la faire !
Ton meilleur moment pour l’instant :
Le départ des Bermudes où on est partis avec tous les bateaux de course
Côme :
Tes impressions sur la transat :
Oui moi je bouge la tête comme ça ! J’aime le bateau ! (Ndlr j’ai trouvé le tiroir des bonbons!!!)
Tes souhaits pour la suite :
Des yaourts moi ! Des cadeaux moi aussi j’aime bien les cadeaux ! Des pâtes. Des langoutes et bahacouda.
Ton meilleur moment pour l’instant :
Les bonbons et les gâteaux. Et doudou aussi.
Maman :
Tes impressions sur la transat :
Le rapport au temps est très différent en navigation. Il faut lâcher prise face aux éléments, on sait quand on part, pas quand on arrive. C’est parfois long, mais en vivant au jour le jour tout se passe bien. C’est merveilleux de vivre ça en famille tous ensemble.
Le plus stressant au final est de regarder notre position sur la carte et de nous voir au milieu de nulle part.
Tes souhaits pour la suite :
Bien éviter les dépressions de l’atlantique nord et le petit bonus serait d’arriver pour la fête des mères à Horta.
Ton meilleur moment pour l’instant :
Les moments de qualité avec les enfants.
Comme vous pouvez le voir, l’aspect marin n’est pas des plus importants. La faute à une météo vraiment déprimante depuis le départ des Bermudes. Moteurs et pétole. Mais normalement on passe force 6 cette nuit.
On vous embrasse,
Les COMALVI
JOURNAL DE BORD J9
05H12 UTC 35°18N 55°58W
Il est 3h00 heure locale. Les conditions sont fortes, ne dormant pas, j’en fait profiter ! Le vent est là mais pas vraiment dans la mesure ! Force 7 en rafales une mer qui lève pas mal et COMALVI qui part dans des surfs interminables ! Le pilote auto est décidément un surhomme. J’ai été obligé de réduire la voilure par deux fois pour garder le bateau manœuvrable, la difficulté à corriger était trop grande. On a une allure qui n’est pas idéale : le vent est a 180° c’est a dire parfaitement dans le dos. Hors de question de sortir le SPI avec ce vent, on mets donc la GV à 1 ris et le Génois a 2/3 enroulé en ciseau. Nous arrivons dans ces conditions à avancer à 7-8 nds sans trop de difficultés et à rattraper une toute petite partie du retard accumulé depuis notre départ des Bermudes. Je dis rattraper le retard, mais le temps perdu ne se rattrape jamais. Et puis le temps perdu sous entendrait que le temps nous a appartenu, quelle fatuité !
Nostalgie face à ce temps qui coule. Ce soir grande discussion avec les enfants au moment du début de leur quart. Il fallait leur expliquer pourquoi la terre tourne autour du soleil. L’explication oblige à expliquer que petit à petit, la terre est inexorablement attirée par le soleil et qu’un jour, elle « tombera » sur son étoile. Maxime, écoutant à moitié, se mets à fondre en larmes. « Je n’ai pas envie de m’écraser sur le soleil » explique-t-il alors. L’occasion de lui expliquer que si ce danger était réel, il était suffisamment lointain pour qu’il ne s’en soucie pas. Par contre, lui explique-t-on, des dangers bien plus immédiats guettent la terre. Et la bonne nouvelle c’est qu’il est possible d’agir. L’exemple du lac d’Annecy est une bonne illustration. En quelques années, il est passé de statut de poubelle à celui de lac le plus pur d’Europe.
Nécessite de transmission à nos enfants, tout d’abord d’un monde un peu meilleur, et ensuite des armes pour qu’ils puissent à leur tour construire un monde un petit peu meilleur. Et c’est la somme de ces petits peu qui permettra de faire de la terre un plus bel endroit.
« Pas le temps pour les regrets,
nos erreurs n’appartiennent qu’à nous même,
Né pour amener ma part de progrès,
Pour qu’à mon tour je procrée… »
Lunatic Mauvais Oeil.
Je répète ces lignes comme un projet de vie depuis le lycée, mes profs de français m’en sont témoins !
Beaucoup de personnes m’ont dit au moment de partir que nous n’allions jamais revenir. Loin s’en faut. Le sens de cette année, c’est la découverte, l’ouverture vers l’autre. Mais cette découverte n’a de sens que si elle est accompagnée d’un retour et d’une progression.
Les contours de ce retour commencent à se dessiner. Nous en parlons souvent avec Maji. C’est la notion de monde meilleur qui nous guide. Ayant tant reçu, il faut donner encore plus. La parabole des talents nous donne le chemin.
« Tu m’as donné ta boue et j’en ai fait de l’or » dit Baudelaire l’alchimiste.
Voila ce qui devra guider notre vie pour notre retour. Pour nos enfants, pour que nos vies aient un sens !
Petit partage, demain, ça fait 15 ans « qu’on est ensemble ». Qui l’eu cru ? Moi ; )
On vous embrasse,
Les COMALVI
JOURNAL DE BORD J10 et 11
20h54 UTC 34°14 N 58°27 W
Le capitaine a pris pas mal de retard dans le journal de bord.
La faute à des options météo à prendre, et à un capitaine qui commence à fatiguer un peu. Donc le moindre moment est recherché pour m’allonger sans écran ni livre pour essayer de dormir. Il aura fallu attendre la nuit dernière pour y arriver. Peu de vent, COMAVLI qui file à 4 nds et le capitaine dort ! Et oui, il faut se rendre a l’évidence, je ne suis pas un surhomme et il me faut dormir pour rester lucide. La course au large est une épreuve d’endurance. Tout ce que j’aime !
2 clefs pour une course bien réussie :
Accepter de ne pas être toilé de façon optimum pour ne pas être en alerte permanente
Faire confiance aux personnes qui sont en quart ! Là est le plus compliqué pour moi
Encore une fois le bateau est une école de la vie.
Hier, après prise d’avis de nombreuses personnes à terre et conciliabule avec des voiliers anglais qui font la transat de l’ARC, nous avons décidé de piquer au sud pour esquiver le plus possible la dèp qui arrive sur nous. Et voila. Nous y sommes, le vent a tourné et il souffle maintenant SW, le front froid arrive ! Le front froid, c’est un peu la cerise sur le gâteau d’une dépression. Dans le mouvement anti horaire des vents, une queue de vents se forme entre le NE de la dépression et le SW. Dans cette bande de vent, c’est un peu au petit bonheur la chance. La marge d’erreur sur la force des vents est de 40%. Et curieusement, les surprises le sont que dans un sens. Bref après nous être éloignés de 100 mn de notre trajectoire, nous savons que les vagues ne devraient pas dépasser 4,5 m et le vent 40 nds. Mais surtout, et c’est là tout l’intérêt de ce crochet, le gros temps ne devrait durer que 36h.
Pour comprendre ce qu’il se vit pendant ces 36h, prenez un mètre. Mesurez sur un mur 4,5m. Mettez vous au pied de ce mur et imaginez vous sur un lit. Fermez les yeux et sentez vous montez jusqu’à 4,5m et redescendre toutes les 8 secondes et ce, sans discontinuer. Voila pourquoi on est content que ça ne dure « que » 36h.
Cette nuit devrait être encore à peu près tranquille, le vent montant en intensité toute la nuit pour commencer a être vraiment fort demain midi, la nuit prochaine plus du tout et après ça le calme devrait être de retour. Hâte que cet épisode soit derrière nous !
Tout le monde va bien à bord même si on vit de plus en plus couverts. Il faut dire que la terre la plus proche en ce moment, c’est Saint Pierre et Miquelon et le Canada. Rien de très chaud en somme. Ça plus le front froid, nous avons décidément quitté les terres chaudes.
Je vous redis que nous répondons à tous les messages, donc les messages sans réponses n’ont pas étés reçus.
Le système de SMS gratuits par le site IRIDIUM fonctionne très mal donc soit sms de votre portable soit mail sur gverny@mb-composite.fr.
Les 3 personnes qui ont envoyé un sms via le site et qui n’ont pas eu de réponses, ce n’est pas de la mauvaise volonté, nous ne savons pas qui vous êtes !
On vous embrasse,
Les COMALVI
JOURNAL DE BORD J12
10h52 UTC34°59 N 46°19 W
La fatigue creuse son lit, tous les jours un peu plus, avec une régularité étonnante. Peu importe, l’ambiance à bord est bonne et c’est bien là l’essentiel. Les enfants sont étonnants de calme et de sérénité. Ils inventent des jeux divers et variés et leur imagination à aussi peu de limite que notre horizon.
Le temps est toujours aussi maussade. On finit par s’habituer. Les températures semblent avoir stoppé leur baisse. Le front froid ne l’est finalement pas tellement. La météo est pesante puisque le vent souffle en rafales. Nous avons du force 5 établi mais des rafales qui montent a force 7 ce qui empêche de toiler suffisamment COMALVI. Nous nous trainons donc en attendant des jours meilleurs. La mer est d’écume et d’embrun. C’est beau et angoissant à la fois. La mer ne s’est pas encore levée et la houle se limite pour l’instant à 2m. Dans quelques heures il en sera tout autrement. En attendant, et bien on attend.
Au rayon des pépins, cette nuit lors de la prise de ris, nous nous mettons face au vent. La GV arisée, nous empannons pour revenir avec le vent tribord amure a 90°. La manoeuvre finie, je me rend compte que la canne est très penchée. La ligne s’est prise dans je ne sais quoi. Je coupe pour libérer la canne mais a l’heure ou j’écris, je ne sais toujours pas ou est la ligne et il va falloir que je plonge avant de pouvoir démarrer un moteur. Joie !
C’est comme ça. Normalement, pour le journal de bord de demain, nous aurons passé cette phase de gros temps. Il ne subsistera que la pluie soutenue et la houle de 4,5m.
J’ai hâte.
On vous embrasse
Les COMALVI
JOURNAL DE BORD J13
00h41 UTC 35°04 N 44°30 W
Et voila les bonnes habitudes qui reprennent. La nuit promettant d’être agitée, j’ai envoyé tout le monde se coucher, sachant que je n’allais pas dormir, je prend tous les quarts. Seul Vianney se doit de ne dormir que d’un oeil, car le bateau bougeant énormément, je préfère faire les manoeuvres à deux si besoin. L’organisation des quarts depuis le départ des Bermudes devait permettre ce cas de figure : je ne faisais aucun quart de nuit pour me permettre d’avoir l’énergie nécessaire lorsque la situation le nécessiterai ! Victoire faisait 21h-24h, Vianney 24h-3h, Maji 3h-6h. Rassurez vous, j’étais tout de même sur le pont au moins 5 ou 6 fois chaque nuit…
Qu’aurait valu une transat retour sans ces conditions un peu sport ?
On se retrouve en plus submergés de mots plus gentils et encourageants les uns que les autres. Ça donne envie de faire le tour du monde par les 3 caps !
Malgré le coté vraiment effrayant de la nuit dans ces conditions, tout est fait pour rentrer en introspection. Le hurlement lugubre du vent dans les voiles et les haubans, les vagues qui se fracassent bruyamment sur COMALVI quand certaines decident de submerger complètement le bateau jusqu’au roof, et le phytoplancton phosporescent qui rajoute une dimension irréelle à ce qui se vit.
Toujours pas de vomis à bord mais une certaine nervosité au moment du coucher.
Il faut tenir. Ça ne dure que quelques heures, mais ces heures n’ont pas la même valeur que d’autres. Elles sont lentes, mais lentes contrairement au bateau qui lui file a toute allure. Et puis le vent est pénible. Il souffle en rafales qui obligent à sous toiler le bateau. On passe de force 5 a force 8 en une poignée de secondes.
Enfin le comportement de COMALVI est incroyable. Même si les surfs sont toujours impressionnants, il tient son cap de façon magistrale.
Grosse frayeur cet après midi quand, alors que nous changions l’écoute du génois nous voyons la GV s’affaler complètement. Diagnostic de Vianney : la drisse a lâché en haut du mat. Horreur ! Ça veut dire que nous ne serons qu’avec la voile d’avant pour les prochaines heures, et qu’il va falloir grimper au mat avec une forte houle dès que le vent sera un peu clamé.
En fait, l’écoute de génois cinglait tellement qu’elle a ouvert le taquet de la drisse de GV. Nous nous en tirons avec une belle frayeur.
Normalement d’ici 12h le plus gros sera derrière nous. Nous ne serons alors plus qu’a 700 mn des Acores, 4,5 jours de nav normalement. On s’accroche à ça et on se dit aussi que normalement on ne le fait qu’une fois dans une vie !
On vous embrasse,
Les COMALVI
JOURNAL DE BORD J14
23h24 UTC 35°36N 41°01W
Ça y est c’est fini. On n’y croyait plus mais on est passé en 5 minutes de 30 nds de vent SSW a 10 nds WNW. Jusqu’à 19h on dissertait sur ces conditions si difficiles et d’un coup, le génois s’est mis à faseyer, je suis sorti, ai essuyé quelques gouttes et constaté que le vent avait tourné et était tombé. Enfin !
Pas grand chose à dire sur la journée si ce n’est que nous avons goutté à la houle de plus de 4m les vents de force 8 (rafales a plus de 40 nds) et surfs à plus de 15 nds. Les sourires forcés des adultes ont suffisamment dupés les enfants qui auront traversé l’épreuve avec une souplesse incroyable. La fatigue est immense mais les corps et les esprits se relâchent. Normalement plus de grosses conditions jusqu’à l’arrivée.
Après l’hiver vient le printemps après la pluie vient le beau temps etc…
Peu de mots, juste du sommeil à rattraper.
La pluie tombe fort, calmant la mer qui devrait rester un peu forte pour les 2 prochains jours mais le vent est revenu à des niveaux normaux.
Une pensée pour les SEA YOU qui ont encore du bouillon pour quelques heures.
Merci pour votre soutien à tous,
On vous embrasse
Les COMALVI
JOURNAL DE BORD J15
3679N 3758W
Le capitaine se repose de ces trois derniers jours de mer épuisants, je prends donc la plume à sa place. À vrai dire je crois que nous décompressons tous. Tout l’équipage ne pensait pas vivre un jour de telles conditions en mer. En effet, les outils météorologiques modernes nous permettent de choisir nos périodes de navigations. Grâce aux gribs météo entre autres, nous savons quand nous partons de terre « à quelle sauce nous allons être mangés », tant en terme de vent que de houle. Si les conditions annoncées sont trop difficiles nous pouvons décaler ou avancer un départ etc. Pour une transat les choses sont différentes : la fiabilité météo étant de 4 jours, et la transat étant bien plus longue, nous choisissons la fenêtre de départ, et pour le reste il faut adapter son parcours en fonction des nouvelles données météo que nous prenons chaque jour. Une sorte de saut dans l’inconnu, excitant et stressant à la fois. Bref après avoir vécu du 40 knt et 4m50 de houle à 8 sec pendant deux longues journées, nous sommes heureux de retrouver des conditions plus clémentes.
Le moral de l’équipage est bon malgré la fatigue.
Je suis fière de nos enfants et de la confiance qu’ils nous font. C’est déjà impressionnant d’être en pleine mer, si loin des cotes. Imaginez l’océan à perte de vue, et nous sommes si petits face aux éléments. Mais quand s’ajoute à cela des vagues déferlantes et beaucoup de vent, les conditions peuvent vraiment être angoissantes. Ils ont été exemplaires.
Je suis impressionnée par Gerault, la pression qui repose sur ses épaules est énorme : mener son bateau et l’équipage à bon port. Prendre les bonnes décisions de cap, réglages des voiles etc. Tenir malgré la fatigue nerveuse et deux nuits blanches. Hier, il a eu droit à un petit plongeon en plein milieu de l’océan, pour vérifier l’hélice du moteur tribord. Sorte de choc thermique : l’océan est à 19, nous n’avions pas eu d’eau à moins de 28 depuis début décembre.
La vie à bord a repris son court « normal », lecture, bricolage, cuisine, discussions diverses, réglages des voiles, quarts de surveillance. Des dauphins nous ont tenu compagnie pendant une petit heure ce matin.
L’arrivée est proche, nous sommes à 450 nm d’Horta…. Dans quelques jours l’un de nous criera : terre en vue ! Et je crois que nous serons fiers… et fourbus.
Bises à tous,
COMALVI
JOURNAL DE BORD J16
23h08 UTC 36°55N 37°00W
Quelle douce journée ! Moteurs allumés depuis 3 h du matin certes, mais quelle journée ! Elle avait mal commencé puisque a 3h15 du matin je sors de ma couchette en sursaut, j’entend un bruit suspect. Effectivement, la sustente du lazy jack bâbord a cassé net. P…. !
Puis prise de grib météo qui indique d’un coté la pétole et de l’autre une dépression nettement plus sud que la dernière qui se rapproche. Il faut dire que les PANTAÏ nous ont prévenus par mail : ils se préparent a l’essayer 300 mn plus a l’ouest que nous. Sueurs froides, incompréhension, rapide calcul de l’autonomie de carburant si le vent ne revient pas ; il faut se rendre a l’évidence, il nous faudra du vent. Finalement, reprise de Gribs plus larges et simulation de routage sur l’excellente application weather 4D (que je recommande a tous les marins et en plus c’est francais !) qui nous dit que dès cette nuit, le vent devrait revenir et nous amener directement a Horta au près serré certes mais avec du vent ! Je me recouche rassuré !
Journée bricolage, Maji remonte au mat jusqu’à la 2ème barre de flèche ce qui, avec une houle qui frôle les 3 m est ultra sport ! 30 min plus tard, le lazy est de nouveau opérationnel, les bouchons de lattes resserrés et nous envoyons la GV et le génois ! Normalement, hormis pour des réductions, ils devraient rester en place jusqu’a l’arrivée, et tribord amure. Ces nouvelles perspectives gomment la vitesse de tortue qui est la notre depuis 48h.
Ce matin, 11h, nous sommes rejoints par une troupe de dauphins qui jouent avec les étraves pendant quasiment 1h. Spectacle merveilleux que ces petits mammifères nous offrent avec joie ! Les enfants et les adultes sont émerveillés par ce spectacle toujours aussi grandiose que nous offre la nature.
Longues discussions avec Vianney toujours aussi intéressant, qui nous a initié avec beaucoup de persuasion a la collapsologie, théorie de l’effondrement de nos sociétés post modernes a cause de la sur-exploitation des ressources naturelles. Passionnant. Emouvant de voir une nouvelle génération qui prend ces questions avec beaucoup de sérieux et une véritable volonté d’améliorer le monde. Un gars bien vous dis-je ! Les enfants ont peaufinés leurs cadeaux de fête des mèrse. Maman va être gâtée !
A midi, nous décidons de changer d’heure. Et oui, privilège du marin que je n’avais pas encore détaillé dans ce journal, mais le capitaine, quand il considère que sa montre est trop décalée par rapport à dame nature, décide de façon arbitraire que tout le bateau change d’heure. Voila comment ça se passe : tout le monde prend sa montre son portable son ordi sa tablette sa liseuse. Le capitaine dit alors « il est 13h et maintenant il est 14h ». Le maitre du temps ! Incroyable ! Il faut dire que le soleil s’est levé a 4h30 ce matin. Ça veut donc dire que nous n’avons plus qu’1 h de décalage avec Horta et 3h avec la France. Cette fois c’est sûr, on n’est plus très loin !
Puis en fin d’après-midi une longue période de contemplation de l’infini marin. L’océan respire de ces longues ondulations qui composent la houle, et dont se dégage toute sa force qui aujourd’hui tranquille, avant hier déchaînée, nous rappelle notre condition finie. Quel prétention que de vouloir penser dominer cette chose qui était avant et qui sera après nous ! On s’est invité sur la pointe des pieds et on espère repartir sans l’avoir dérangé de trop ! La risée nous aura d’un revers ferme mais sans violence poussé d’un bout a l’autre et nous nous en satisferons bien. Beauté de la création toujours ! Être a la hauteur de cette beauté.
Je vous laisse, je retourne contempler les étoiles.
Bonne et paisible nuit a tous !
On vous aime,
Les COMALVI
JOURNAL DE BORD J17 – Journal de bord des enfants :
Victoire
À 1 jour de l’arrivée que peux-tu nous dire de cette transat ?
Les jours m’ont parus très longs et très courts à la fois. Je suis très contente d’avoir vu plusieurs fois des dauphins et j’aimerai voir des baleines d’ici l’arrivée.
Ton pire moment ?
Quand j étais dans le carré et que je croyais que papa était dehors. Ne le voyant pas en sortant j’ai cru qu’il était tombé à l’eau alors qu’il était dans sa cabine.
Ton meilleur moment :
Les fois où nous sommes allés sur le trampoline pour observer les dauphins.
Alix
À 1 jour de l’arrivée que peux-tu nous dire de cette transat ?
Je suis très contente de ne pas avoir eu le mal de mer.
Ton pire moment ?
Quand il y avait les vagues de plus de 4 m et que tout bougeait.
Ton meilleur moment ?
Quand quelqu’un crie « dauphins » et que tout le monde sort dehors. J’ai aimé tous les bricolages aussi, et cuisiner.
Maxime
À 1 jour de l’arrivée que peux-tu nous dire de cette transat ?
Ça m’a paru très court et à la fois un petit peu long.
Ton pire moment ?
Les grosses vagues et quand le bateau tapait sur les vagues.
Ton meilleur moment ?
Quand l’énorme banc de dauphins sautait autour du bateau.
Côme
À 1 jour de l’arrivée que peux-tu nous dire de cette transat ?
Je veux aller aux Tobago !
Ton pire moment ?
…….
Ton meilleur moment :
Les bonbons. Et papa.
Bonne journée à tous. Demain séquence émotion : nous verrons la terre….
JOURNAL DE BORD J18
« Heureux qui comme Ulysse,
A fait un long voyage »
Terre en vue ! Sur l’horizon baigné d’une lueur rouge du soleil naissant, se détache, comme une ombre chinoise, Horta et son île. Un ongle dont les pieds plongent dans l’océan, et dont la tête est encore dans les nuages.
Cette arrivée a un goût de fin. Comme si cette traversée de l’atlantique nord était l’acmé du voyage. Elle l’est ! Définitivement. Il y aura un avant et un après.
Tirons la leçon marine de cette traversée.
Rien n’est simple, on dirait la Méditerranée ! Aucune logique respectée (l’allure la plus pratiquée aura été le près serré car le vent refusait d’adonner). Peu de houle lente et espacée mais beaucoup de mer hachée voire de houle contraire comme depuis 2 jours sur COMALVI. Nous avons eu la chance de ne pas croiser la route de dépressions, 2 fronts froids dont un qui nous aura bien secoué tout de même. Du coup, beaucoup, beaucoup de réglages, prises de ris, envoyer les voiles, passer du portant au bon plein au près serré, tribord amure, bâbord amure, je crois que nous avons testé toutes les combinaisons possibles.
Le bilan matériel : COMALVI impeccable. Une bosse de ris cassée parce que mal fixée par ma faute, un morceau de fil de pêche dans l’hélice tribord par notre faute et c’est tout. Merci COMALVI !
Bilan humain : Nous sommes très fiers de nous ! Nous avons tous été obligés de piocher très loin dans nos ressources physiques et mentales pour que le périple se passe bien et nous sommes arrivés à bon port. Nous avons vaincu nos peurs et angoisses en partant, mais il a fallu poursuivre chaque jour avec persévérance, conscients de nos fragilités pour finalement, avec immense fierté, voir enfin cette terre tant désirée.
Les enfants ne mesurent pas encore, et peut être ne mesureront ils jamais ce qu’ils ont fait. Peut être sont-ils devenus des marins. Victoire m’a dit que ça serait une belle tradition que tous les enfants partent en bateau autour du monde avec nos petits enfants pendant 1 an. Maxime m’a demandé si il pouvait prendre des cours de voile dès la rentrée avec son papa. Côme a, depuis qu’il est né, passé presque plus de temps sur un bateau qu’a terre. Alix, nous verrons, mais ce qui est certain, c’est que la plus belle victoire est pour elle, dans le sens ou elle s’est le plus battu contre elle même !
Notre couple sort renforcé de cette aventure, puisque dans une situation extrême, nous avons pu, à tout moment, compter l’un sur l’autre. Chacun trop conscient de ses faiblesses, nous avons, à chaque passage compliqué, réussi a formuler de façon très claire et paisible nos attentes réciproques, les yeux rivés dans la même direction, guidés par le même objectif. Nous nous sommes hier, avoués l’un a l’autre a quel point nous avions eut peur dans telle ou telle situation. Conscience de nos fragilités personnelles, conscience de notre force commune !
Ne le dites à personne, mais ma femme est un homme ! Gars !
De mon coté, les larmes commencent à couler doucement, paisiblement, les nerfs lâchent un peu. Pas simple d’être le chef, tous les jours, toutes les nuits, d’être le dernier rempart, celui vers qui les regards se tournent quand la situation devient vraiment compliquée. Pas de bobos même mineurs, merci mon Dieu, et merci pour vos prières !
Je voudrais arriver à la fin de ma vie avec ce même sentiment : Ça a été dur, mais encore plus souvent merveilleux, et je fini entouré des miens, fiers et pleins d’assurance, prêts à relever les défis de leur propre vie.
Cette traversée aura été un condensée de tout ce que nous étions venu chercher dans cette année : des moments familiaux, la beauté de la nature, le voyage et la transcendance par l’effort et l’inconfort !
Je voudrais du coup remercier :
Eole qui aura été facétieux mais pas méchant
Posseidon pareil
Le petit Jesus et la vierge Marie qui nous auront accompagnés tout du long, notamment pendant une très belle veillée de louanges et de chants marins à Marie hier soir (frissons garantis pour un ancien scout marin).
Michael F et Olivier B et Vanessa À pour leur confiance et leur fiabilité, les Atlantides pour leur soutien quotidien qui aura été puissant, les SEA YOU qui nous précèdent de quelques heures et qui auront été un vrai moteur dans ce départ des Bahamas, nos amis qui, par leurs petits mots auront été autant de sucrerie dans ce monde salé, et enfin nos familles !
Merci à tous, nous avons hâte de vous retrouver.
Un remerciement spécial a Maylis, qui aura, avec une régularité monacale, mis en forme et posté ce journal de bord pendant toute la transat.
Un immense merci a Vianney pour son aide précieuse et les riches et non moins clivants échanges que nous avons eu !
Il y aurait beaucoup d’autre chose a dire, contentons nous de MERCI !
On vous aime,
Les COMALVI