Roques et Aves – Venezuela

Archipel des Roques

Mardi 29 janvier nous quittons Clifton pour passer deux jours dans les îles Grenadines qui dépendent de Saint Vincent (plus au sud, et dernière étape avant le continent sud américain). 

Après un bref arrêt sur les îlots Punaise et Morpion, nous jetons l’ancre devant l’île de Petit Saint-Vincent. Nous avons un petit coup de cœur pour cette île, où nous passons la matinée du mercredi seuls à nous baigner entre la plage et le bateau. Nous serions bien restés plus longtemps ici, et c’est à contre cœur que nous partons vers Cariacou pour faire notre avitaillement pour le Venezuela, où nous ne savons pas s’il sera facile de faire des courses au vu de la conjoncture. 

Après un avitaillement bien cher (2500 $ caribéen pour seulement deux caddies) et bien compliqué (leur appareil cb ne marchait pas et nous avons dut attendre 1h dans le supermarché, pour finalement devoir revenir le lendemain matin), nous changeons nos dollars caribéens contre des dollars US. Nous changerons ceux-ci à la petite pharmacie de Gran Roque (qui est le seul agent de change des Roques). 

Les eaux entre les Grenadines et les Roques ont mauvaise réputation : piraterie, tentatives d’abordages, vol… Les voiliers sont une cible facile pour les habitants pauvres du Venezuela qui récupèrent sur ceux-ci les appareils électroniques (ordis, tablettes, mais aussi gps et instruments de navigation), les réserves de nourriture, les annexes et tout ce qui peut avoir de la valeur à la revente. Il y a eut ces dernières années plusieurs abordages très violents et les voiliers allants aux Venezuela sont de plus en plus rares. Les derniers événements politiques au Venezuela compliquent également la donne. 

Nous dînons donc la veille du départ avec Olivia et Vincent (voilier Sea You rencontré en Martinique et avec qui nous partons) afin de mettre en place notre « stratégie » de nav. Nous naviguerons feux éteints, sans éclairage intérieur et extérieur, AIS en mode fantôme (nous recevons, mais nous n’émettons pas), et à moins de 0,5 nm nous séparant pour pouvoir réagir vite en cas de problème sur l’un ou l’autre des bateaux. Les VHF sont réglées en low (moins de 4 miles de portée) et nous les utiliserons seulement en cas de réel besoin. 

Bref, c’est entre stress et excitation (de découvrir enfin les Roques) que nous partons en fin de matinée ce jeudi matin. Deux jours de navigation nous attendent. 

La navigation s’est parfaitement bien passée, avec un vent arrière quasi-constant entre 15 et 20 nœuds. Seulement une petite anecdote. En effet, la deuxième nuit, nous avons eut une assez grosse frayeur : il est 3 h, je suis de quart et je vois un point lumineux à tribord qui se rapproche rapidement. Au bout d’un certain temps, je réveille Gerault pour avoir son avis, et soudain nous entendons de la musique sur le canal 16 de la VHF. Or, Gerault et moi savons tous les deux que c’est comme cela que les pirates brouillent le canal 16 (en mettant de la musique très fort ils empêchent l’émission d’un signal de détresse). Nous allumons les moteurs et faisons route à 90 degrés de notre cap précédent. Le bateau s’arrête puis s’éloigne. Nous ne saurons jamais si ce bateau était malveillant ou non mais nous en sommes quitte pour une petite frayeur. 

Samedi 2 février terre à l’horizon. Nous devinons la principale île des Roques au loin : Gran Roque nous tend les bras. Et quel accueil : lagons, petites îlots paradisiaques…

Nous enroulons le génois pour réduire notre allure. En effet, la navigation aux Roques se fait « à vue » car il y a partout des récifs nons cartographiés. Nous voyons dès notre premier mouillage un cata échoué ce qui n’est guère rassurant. Il y a deux systèmes de cartographies sur Comalvi : iSailor et Navionix. Nous voyons assez rapidement que Navionix n’est pas fiable (secs non marqués etc). ISailor par contre semble assez juste et nous servira de base pour tout notre séjour. Par sécurité à chaque navigation, je serais à l’avant pour signaler à Gerault un éventuel danger. 

Les formalités de clearance sont particulièrement longues aux Roques : passage obligatoire au bureau des douanes, puis au bureau de l’immigration, et enfin au poste de police. La « Costa guardia » viendra également à bord, nous ne savons toujours pas dans quel but, sans doute pour divertir le cost guard qui n’a pas grand chose à faire. Grâce au pharmacien de Grand Roque que Gerault et Vincent ont rencontré lors des démarches à terre, nous ne nous sommes pas trop fait « arnaquer » sur les frais d’entrée. En effet, il leur a conseillé de dire à chaque endroit que nous n’avions pas de liquide, seulement la « tarjerta » (carte de crédit). Les sommes qu’ils nous demandaient étant des pots-de-vin, impossible de les verser en cb, ils sont donc partis sans rien.

Nous pouvons donc après tout cela débarquer à terre et découvrir le petit village (ils l’appellent pueblo) de Gran Roque, qui est le seul de tout l’archipel. Un petit ponton de débarquement, un mini aéroport (1 seul piste pour quelques avions de moins de 10 places), une boulangerie, une mini supérette et une centaine de petites maisons sans étage de toutes les couleurs composent ce village. 

Il n y a pas de pavés ou de goudron mais du sable dans les rues. Les enfants sont ravis de déambuler pieds nus. 

Gran Roque est un joli village de pêcheurs, avec des barques tout le long de sa longue plage de sable blond. 
L’ambiance est très détendue malgré le contexte politique vénézuélien. Les seules indications qui nous font penser à la crise vénézuélienne sont des peintures pro maduro. Propagande ? Nous ne le saurons pas. Ce qui est certain par contre, c’est qu’il y a peu de touristes sur l’île. Nous sommes seulement deux ou trois bateaux au mouillage alors que Grand Roque est le seul village de l’archipel. 

Ici, les habitants vivent de deux choses qui les protègent jusqu’à présent de la crise vénézuélienne : la pêche et le tourisme. En effet les maisons, appelées « posadas » hébergent des touristes sur le même système qu’un hôtel. Il y a des posadas tout le long des rues. Allez sur tripadvisor et tapez « los roques » si vous voulez voir leur charme. Aucune ne se ressemble. Certaines sont assez luxueuses, d’autres plus simples, il y en a pour tout les goûts et à tous les prix. Mais chacune respecte le cadre local et le résultat est très harmonieux. 

Après deux jours à Gran Roque nous partons avec Sea You direction le sud-est de l’archipel. 

Nous jetons l’ancre à Cayo Sardina, petit banc de sable de quelques dizaines de mètres carré entouré d’un lagon turquoise. C’est une immense piscine de moins d’un mètre de profondeur. Côme se baigne avec plaisir, il a pied quasiment partout. L’eau est transparente. 

Après l’école le matin, les enfants se baignent, jouent sur notre paddle ou le canoë des Sea You, nagent, jouent au cartes. 

Il n’y a personne. Juste nos deux bateaux. C’est impressionnant et émouvant d’être seuls dans ce paradis. À part deux barques de pêcheur, nous ne croiserons personne pendant 5 jours.

Gerault teste aussi son matériel de kite acheté à Clifton. 

Après deux jours, nous changeons de mouillage, direction le sud-est de l’archipel : Boca de Sebastopol. Reprise du même rythme que les jours précédent. La belle vie, la vie calme. Nous sommes coupés du monde sans téléphone et internet. Le monde pourrait s’écrouler que nous ne le saurions pas.

Samedi 9 février, nous retournons à Grand Roque pour faire un dernier avitaillement avant de passer à nouveau 15 jours coupés de tout dans l’Ouest de l’archipel et aux Aves

L’unique livraison de l’île a lieu le samedi, en arrivant ce jour-là nous espérons que les quelques rayons de la supérette seront pleins. 

Nous sommes dimanche ; et ici pas de prêtre malgré une petite chapelle le long de la plage où le chapelet est récité tous les jours. Or pas de prêtre, pas de messe. Nous ferons donc un temps de prière à l’oratoire avec les Sea You, catholiques comme nous. Nous en profitons pour prier spécialement pour certains de nos amis qui vivent des choses difficiles en France. Nous ne les oublions pas. 

Après notre avitaillement en produit frais, nous partons le lundi direction l’ouest de l’archipel. 

Le premier mouillage, devant l’île de Carenero, est assez abrité au fond d’une toute petite baie. Reprise des activités habituelles : travail le matin, loisirs l’après-midi. Nous nous promenons le long de la longue plage de sable blond ou 3 chiens nous accompagnent. Il y a ici quatre maisons de pêcheurs. Quand je dis maison, ce sont en fait des pièces de tôles ondulées assemblées les unes aux autres. Nous nous demandons comment elles tiennent en cas de gros temps. Pas d’electricité mais un petit groupe électrogène. Après discussion, ils nous expliquent qu’ils viennent de l’île de Margarita, plus à l’est, et qu’ils viennent quelques mois dans l’année ici, car la pêche y est plus fructueuse. Le lendemain midi, nous faisons un feu sur la plage avec les Sea You. Au menu poisson et poulet grillé. C’est un régal. Nous nous sentons les rois du monde sur ce petit bout de terre. Une vraie vie de Robinson Crusoé. Côme termine son aile de poulet à la main, les pieds dans l’eau, en regardant les poissons lui tourner autour.

Jeudi, nous partons direction le sud-ouest et l’île de Bequieve. Les enfants passent leurs après-midi à chercher des coquillages et observer les nids de frégates qui sont par centaine sur l’île. 

Le 14 février, nous partons vers 16 h nous balader sur la plage avec Maxime et Côme. Victoire et Alix veulent étrangement rester sur Comalvi. Au retour, nous avons une jolie surprise : elles nous attendent en ayant préparé un dîner aux chandelles. 

Nous sommes le 19 février, et cela fait deux jours que nous sommes au mouillage de Cayo de Agua, qui est selon moi le plus beau spot de l’ouest des Roques.


Mais demain nous quittons les Roques et j’ai le cœur serré de quitter ce paradis. D’autres nous attendent, mais celui-ci est particulièrement sauvage et isolé et nous en rêvions depuis longtemps. 

Comment la nature peut-elle être aussi belle ? Nous avons eut un véritable coup de cœur pour cet archipel si protégé. J’ai été plusieurs fois trés émue en regardant les paysages. Je pense que nous n’aurons pas beaucoup d’expériences comme celle-ci dans notre vie : calme, solitude, aucune sollicitation commerciale, ni appels téléphoniques. Pas internet ni mails. Que de temps libre, nous avons eut pour lire, réfléchir, passer du temps de qualité ensemble. 

Demain nous partons direction l’archipel des Aves, plus à l’ouest. 

Archipel des Aves

Après une navigation de 30 miles nous voici arrivés aux Aves. Les paysages sont très différents des Roques : le premier mouillage longe une mangrove dense et très verdoyante, et des milliers d’oiseaux volent dans le ciel. 

L’archipel est habité seulement par quelques pêcheurs et des « guarda Costa » que nous espérons d’ailleurs ne pas croiser, nos stamps de passeports étant valables jusqu’au 19 février (et nous sommes le 21).

Il y a trois bateaux dans le premier groupement d’îles : les Sea you, un catamaran, l’Argot, skippé par deux hommes dont l’un est parti pour 3 ans autour du monde, et Comalvi. 

Nous sommes restés 3 jours aux Aves, et c’est comme si nous avions été pendant 3 jours dans un documentaire animalier sur les oiseaux, dans un archipel sauvage. En effet les Aves sont une réserve naturelle avec beaucoup d’espèces d’oiseaux endémiques. Les nids se comptent par centaines voire milliers. 

Les enfants ont adoré se balader en annexe le long de la mangrove pour observer au plus près les nids d’oiseaux : les mamans avec des petites boules blanches plus ou moins grandes. (Frantz tu aurais passé des heures à cet endroit-là…).

Après la mangrove, le long de la face au vent de l’île, les quelques bateaux qui viennent aux Aves ont la tradition de laisser un souvenir de leur passage. Nous avons passé la fin de l’après midi à graver une pierre, pour ensuite la peindre et la laisser sur place. Nous avons inscrit « Comalvi – 2019 – LYON ». (Team Lyon Forever). Nous aurions aimé rajouter nos prénoms à tous, mais la pierre étant friable nous nous sommes arrêtés la, l’essentiel y est. 

Petite anecdote de notre séjour, il a plut pendant une trentaine de minutes. Youhou, après plus d’en mois et demi sans aucune pluie (la dernière datait de Ste Lucie juste après la Martinique), nous étions ravis de voir ce grain arriver et nettoyer le bateau. Tout le monde était sur le pont à nettoyer, frotter, astiquer. 1 h après il faisait déjà grand beau temps. 

Après 3 jours aux Aves, nous partons direction Bonaire. Cela va être étrange de retrouver « la civilisation » après presque un mois sans internet…

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3 Commentaires

  1. Morati
    3 mars 2019 / 20 h 21 min

    Encore une magnifique vidéo nous avons vraiment l’impression d’être à côté de vous et de vivre vos aventures un grand merci de nous les faire partager ! Bon vent les amis à très bientôt
    nous vous embrassons tous très fort .
    Richard et Angélique

  2. Bouvet
    8 mars 2019 / 20 h 34 min

    Dingue dingue dingue cette aventure ! Le récit rigolo additionné aux superbes photos nous emportent à bord! Les films sont vraiment sympas aussi! Ravie de vous lire enfin! Bises à toute la troupe et bon carême sur comalvi.

  3. Yulia
    16 mars 2019 / 18 h 30 min

    Géniale la vidéo, vous êtes des pros !

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